Slow travel en Norvège

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Si, comme de nombreux voyageurs, le passage du cercle polaire arctique à travers les fjords de Norvège jusqu’au mythique cap Nord vous fait rêver, sachez que les croisières sont le moyen idéal pour réaliser cette aventure hors norme dans des paysages extraordinaires où la nature fait force de loi. Digne d’une épopée viking en drakkar !

Baignée par le Gulf Stream, la mer de Norvège bénéficie d’un climat relativement clément même durant l’hiver aux nuits sans fin. Au printemps, la température s’adoucit et les jours rallongent, chassant peu à peu les mystérieuses aurores boréales. Dès mai, les gros navires de croisière accostent à nouveau les ports principaux, de Stavanger à Honningsvåg, dans les fjords aux eaux profondes sous le pâle soleil de minuit. Mais d’octobre à février, la neige et la glace recouvrent souvent les terres norvégiennes jusqu’à bloquer les routes. Le bateau reste alors le seul moyen de se déplacer aux confins des terres de Norvège et de la nuit polaire, jusqu’au septentrional cap Nord, latitude 71°10’ N. Seuls les ferries ont la capacité de relier les 34 ports le long de la côte ouest aux nombreux fjords dont certains très étroits. Une navigation au service des résidents mais aussi des voyageurs, de plus en plus nombreux, fascinés par ces paysages époustouflants baignés de lumières irréelles et avides de goûter à l’ambiance conviviale de la ligne locale.

C’est ainsi que la Toulousaine et primo-croisiériste Célia – en couple – a envisagé son expédition fin février 2017. « Nous n’avions jamais fait de croisière et nous aimons beaucoup les pays froids, la montagne, la neige. Le passage du cercle polaire et le cap Nord nous faisaient rêver… » Emprunter un bateau local pour se rendre de Bergen, au sud, jusqu’à l’ultime port de Kirkenes, en six jours – compter 12 jours pour un aller-retour. « Une formule qui nous plaisait. J’aime beaucoup faire du bateau, aussi je recherchais une croisière pas classique, calme… et un ferry a la spécificité de faire beaucoup d’arrêts dans beaucoup de ports différents. »

Une vie au ralenti

A contrario de l’Islande, parcourue lors d’un road trip en février 2016, Célia a pu apprécier ce voyage dans les fjords à bord d’un paquebot mixte avec une partie accueillant les voitures, le matériel et les résidents voyageant en journée, ainsi qu’une partie cabines pour les croisiéristes. Un petit navire d’un peu plus de 200 cabines qui laisse néanmoins de nombreux « coins » pour s’isoler si on le souhaite. « J’ai aimé la sérénité du voyage. En voiture, on se fatigue, on se concentre, on est à cent à l’heure. Cette fois-ci, on a profité sans se fatiguer. » De plus le point de vue sur les villes diffère. « Par la route, on a du mal à avoir une vue d’ensemble. Par bateau, on a le recul nécessaire. J’aimais monter sur le pont voir apparaître les fjords et les escales. Cela donne une autre dimension. » Un voyage rythmé par les arrêts, plusieurs fois par jour » Des stops de 15-20 minutes à quelques heures pour les ports principaux, le temps de décharger le fret et les résidents puis d’en embarquer de nouveaux, ainsi que des passagers ayant réservé pour une nuit ou deux. Chaque jour, au moins une fois, un gros arrêt est prévu. « Ce voyage est particulièrement lent. Avec des moments d’activité à l’arrivée au port et un retour au bateau agréable. »

Des escales expresses

Après Bergen, Alesund, Tronheim, Bodo, Tromso, Honningsvag et Kirkenes sont les principales escales du ferry sur la côte norvégienne. Les autres sont des villages. « J’ai beaucoup aimé Bergen. La deuxième plus grande ville de Norvège et l’une des plus jolies, au creux des montagnes. Un téléphérique permet d’y monter en dix minutes… on est dans la nature, la forêt, les lacs, tout en étant proche du centre-ville avec une vue magnifique sur les fjords. Alesund, une ville à l’architecture Art nouveau. Tromso avec sa cathédrale arctique, à l’architecture très particulière… On prend un téléphérique et en quelques minutes on est comme au bout du monde… » Un voyage sans frustration malgré les stops rapides : « Je pense que les compagnies adaptent le temps d’escale en fonction de l’intérêt de la visite comme à Tromso, une ville très étendue, où nous nous sommes arrêtés six heures… Chaque jour, un temps de briefing et un document de la compagnie présentent les escales avec les choses à faire et précisent l’horaire. » Célia peut même s’offrir une petite excursion supplémentaire du type marche de deux heures le long des fjords à Bodo, réservée la veille pour le lendemain, une pêche au crabe royal à Kirkenes, et, bien sûr, l’incontournable visite du cap Nord. « Très demandée, il vaut mieux la réserver d’avance et avoir ainsi peut-être la chance d’avoir un guide parlant français. »

De fjord en fjord

Le millier de fjords constitue l’attraction principale des croisières en Norvège qui compte les plus beaux d’Europe du Nord. « Quasiment chaque ville est située dans un fjord ! Les plus nombreux sont d’ailleurs au sud de la côte vers Bergen, et le plus étroit laisse deux mètres de chaque côté du bateau. Il semble que l’on pourrait directement sauter sur la terre. C’est assez impressionnant ! » Le Sognefjord, au nord de Bergen, est inscrit sur la liste du patrimoine de l’UNESCO. Considéré comme le « roi » des fjords, il est le plus profond par ses 1 308 mètres au dessous-du niveau de la mer et le plus long avec 208 kilomètres. Son bras spectaculaire, le Naeroyfjord, de 17 km de long et seulement 250 mètres de large, est aussi le plus étroit. Ces fjords aux eaux limpides sont généralement encadrés de montagnes vertigineuses culminant à plus de 1 600 mètres d’altitude et plongeant droit dans les eaux bleues salées. Le contraste est saisissant ! Au delà du cercle polaire, l’un des plus connus est le Geirangerfjord, pour ses abondantes chutes d’eau surnommées « le voile de la mariée et les sept soeurs ». Il s’étend sur 100 km depuis le port d’Alesund : « En hiver, le bateau est obligé de faire demi-tour à l’entrée car il n’y a pas d’accès pour continuer son chemin. » En effet, les risques d’intempéries et d’avalanches limitent les traversées. Ce site classé au patrimoine mondial de l’UNESCO, se visite à nouveau dès le début de l’été, de mai à octobre.

Changement de saison au cercle polaire

Autre attraction touristique des croisières en Norvège, le symbolique passage de la ligne imaginaire – latitude 66° 33’ N – à quelques encablures de l’escale de Bodo. Un moment fort et cérémonieux. « Une annonce sonore nous a réveillé vers 6h30-7h du matin, je me suis vite habillée pour aller sur le pont. C’était assez émouvant… Il y a une petite île avec un globe terrestre illuminé à l’intérieur qui symbolise le cercle polaire. Au passage, le bateau active sa corne de brume. On ne s’imaginait pas se retrouver là un jour. » Pour Célia, le plus impressionnant a été le changement brutal de conditions atmosphériques après deux jours ensoleillés depuis Bergen : « Il faisait beau et froid mais pas de neige. Après le cercle polaire, on avait l’impression d’avoir complètement changé de saison. Au matin du passage, le bateau était entièrement recouvert de neige tombée pendant la nuit. A partir de là, les paysages et les montagnes étaient enneigés tout le temps. Cela rajoute au côté magique du voyage… » Le temps devient très changeant. « Un jour, je me souviens très bien, on avait d’un côté un lever de soleil magnifique sur la droite et sur la gauche une tempête de neige. C’est spectaculaire ! »

Cap Nord et Laponie

Excursion mythique des croisières en Norvège, point le plus septentrional d’Europe, le cap Nord est symbolisé par une falaise de 420 mètres de haut plongeant dans la mer de Barents et surmontée… d’un globe terrestre. Tout au bout d’une longue route partant du joli petit port d‘Honningsvag. En réalité, le point le plus au Nord se situe non loin de là, à Knivskjellodden, à plus d’1,5 km plus au nord. A peine arrivés, les croisiéristes sont invités à rejoindre en temps et en heure le point de rendez-vous pour l’excursion. « Un chasse-neige ouvre la voie et les bus suivent le convoi pendant trois quarts d’heure, on reste deux heures sur place et on repart. Arrivés avec le soleil au cap nord, cinq minutes après, il y avait une énorme tempête de neige. Quand on est reparti, c’était fini. Le change très très vite. Quand il y a une tempête de neige, la route est fermée. »

La croisière norvégienne se clôt en Laponie, à Kirkenes, ville frontière avec la Russie marquée par l’histoire chaotique de celle-ci et ses guerres multiples avec ses voisins. Heureusement, les activités nordiques y sont nombreuses : safari en motoneige, balade en traîneau à chiens, visite d’un hôtel de glace, chasse aux aurores boréales et pêche au crabe royal. « Dans un fjord gelé et que l’on a appris à cuisiner dans une cabane locale. Au bout du monde. Un atelier féérique ! »

Quand aux fameuses aurores boréales – visibles de septembre à avril -, la tempête de neige les a occultées à Tromso, tandis qu’une fugace mini-aurore aura tout de même pointé son nez au départ de Kirkenes. L’honneur de Célia est sauf !

Une ode à la croisière côtière

« Une croisière atypique. J’ai adoré. » La ligne de l’Express Côtier propose un paquebot différent chaque jour quant au confort et aux langues pratiquées. « Les annonces sonores étaient faites aussi en langue française. Pour nous c’était important de bien comprendre les explications chaque fois qu’il y avait quelque chose à voir… » On repère vite le pont qui fait le tour du bateau pour se retrouver à la proue, en extérieur, et bénéficier des plus belles vues lorsque l’on arrive dans les fjords ou au port d’escale. « C’est d’ici que l’on peut faire les plus belles photos. Quelquefois la neige et le vent glacial sont de la partie et nous laisse imaginer que l’on est seul au monde face à la mer. » On peut aussi se réfugier dans le salon de thé cosy pour admirer les fabuleux paysages derrière les baies vitrées panoramiques.

Côté nourriture, des spécialités norvégiennes locales et de l’international. En formule buffet mais aussi des dîners à table avec sa place attitrée : « On peut toujours profiter d’un restaurant non inclus, plus intime, sur réservation et moyennant un supplément. » Le décor est scandinave. Très agréable et surtout convivial. « Nous avions choisi un paquebot rénové au design contemporain et cosy. Avec un confort digne des plus grands bateaux de croisières, l’animation en moins. » C’est un type de voyage particulier. « Il faut accepter de passer du temps à simplement regarder les paysages, à lire. Pas vraiment fait pour les jeunes cherchant à s’amuser. »

Ultime conseil de Célia, des vêtements très chauds et imperméables car si Bergen a une température positive même en hiver, au cap Nord la température en février avoisine les -15 à -20° C. Penser aux vêtements techniques à glisser sous sa doudoune ainsi que des chaussures qui ne glissent pas : « Les villes peuvent être recouvertes en une nuit de plusieurs mètres de neige. Nous avions pris nos affaires de ski, plus des vêtements techniques. Imperméables car en cas de tempête on se retrouve mouillé. »